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Conception de la vignette de 1924


Jean-Luc Meusy

Comment « Le Fritz » s’est retrouvé sur la vignette Wie «Le Fritz» auf die Vignette von 1924 kam

En 1919, le comité du monument des Rangiers s’approche de l’artiste-sculpteur Charles L’Eplattenier pour réaliser la statue, et en 1924, le Club philatélique de Delémont est sollicité par le même comité afin d’organiser une poste aérienne à l’occasion de l’inauguration du monument. 

Le choix du « statuaire » fut dicté par trois considérations. Premièrement, les districts francophones du canton de Berne ne disposaient pas à ce moment-là d’artistes ayant une véritable notoriété; deuxièmement, Charles L’Eplattenier avait commencé en 1916 un vaste « programme décoratif » au château-caserne de Colombier, de sorte que la rhétorique militaire lui était devenue familière ; troisièmement, tant Albert Joray que L’Eplattenier appartenaient au parti radical, au sein duquel se recrutait l’essentiel de la classe politique suisse et des élites militaires. Le Club Philatélique de Delémont demande également au dessinateur Charles L’Eplattenier de lui croquer une vignette pour le vol aérophilatélique. Monsieur Xaver Hockenfuss était membre du Comité du Club de Delémont. Il était également le secrétaire dans l’organisation du vol aérophilatélique La Caquerelle – Lausanne. Il s’est occupé notamment de tout ce qui concerne la vignette. D’innombrables cartes postales et lettres ont été créés par ses soins avec de très nombreuses variétés trouvées sur les 20’000 vignettes éditées à l’occasion de l’inauguration du Monument National des Rangiers. Dans l’esprit des initiateurs, le monument des Rangiers se voulait intrinsèquement « anonyme ». Il n’était pas question d’établir une statue équestre du général Wille ou d’honorer tel ou tel soldat particulièrement méritant. Cependant, la notoriété de La Sentinelle deviendra si importante que plusieurs personnes revendiqueront le privilège d’avoir « posé » los de son élaboration. Difficile en l’occurrence de discerner entre légende et vérité ; seul L’Eplattenier pourrait nous aider à démêler cet écheveau ! A ce titre, trois noms se sont affirmés.

   Vignette non dentelée et variété « Décalque » Rölli Auktionen AG
 
Première esquisse connue pour La Sentinelle des Rangiers. Mine de plomb et fusain, vers 1920.

Franz Brunner 
La mémoire collective du petit village soleurois de Laupersdorf conserve – aujourd’hui encore – la trace du Soldatenmodell Brunner, qui fut maire de sa commune entre 1919 et 1941. A mon avis, et compte tenu de la distance géographique qui séparait L’Eplattenier du soldat Brunner, ce dernier dut être désigné par l’état-major de l’armée pour fournir à l’artiste Chaux-de-fonnier les indications dont il avait besoin pour représenter correctement une Sentinelle de la Première guerre mondiale. L’Eplattenier connaissait-il la forme exacte d’un « mousqueton 1911 » ? Pouvait-il placer les mains du soldat au bon endroit et dans la bonne position ?
Devinait-il l’agencement d’une cartouchière réglementaire ? Certes non ! Aussi Franz Brunner pouvait-il lui apporter les réponses souhaitées … et c’est sans doute ce qu’il se contenta de faire !

Fritz Kaempf dit Zeppi 
Plus vraisemblable est la piste « Zeppi ». Ce sémillant athlète à la musculature ostentatoire venait de Corcelles-Cormondrèche. Il était chauffeur de camions de benzine et était membre de l’Olympic La Chaux-de-Fonds. Fritz Kaempf est mentionné dans le bulletin sportif de sa ville (pour l’année 1919) comme étant celui qui sera choisi par L’Eplattenier pour sa création du Soldat des Rangiers que l’on se propose d’inaugurer en décembre 1921. Pas de doute, c’est bien « Zeppi » (corps et visage), qui sert de modèle pour les esquisses préliminaires dont nous avons parlé plus haut. On peut égale­ment imaginer qu’il inspirera le statuaire lors de la première modélisation du monument définitif. Par contre, le visage sculpté dans le granit est sans rapport avec la face vaguement féminine du sportif. Et puis …, il y a la fameuse question des épaules. Comme bien des athlètes de son temps, Kaempf possède une puissante assise musculaire à la base du cou. D’où ses « épaules en parapluie » avec, pour corollaire, le retombé peu esthétique des vêtements qu’elles sont censées soutenir !

Carte postale signée par Charles L’Eplattenier lors de l’inauguration le 31 août 1924
Nadège Stampfli Collection François Widmer    Fritz Kaempf

Nadège Stampfli 
Son cas diffère des deux premiers en ce sens qu’il repose sur le témoignage direct de l’intéressée. Nous savons qu’elle servit régulièrement de modèle pour l’artiste entre 1907 et 1923 environ. Mesurant plus d’un mètre quatre-vingt-cinq, c’était une beauté sculpturale de type néoclassique ; on pouvait donc y déceler une androgynie manifeste. Elle a toujours affirmé avoir posé avec les attributs définitifs de la Sentinelle. Qui plus est, L’Eplattenier l’avait « à portée de main » et pouvait en disposer pour toutes les séances de pose qui lui paraissaient nécessaires. En clair, pour les épaules et de drapé de la Sentinelle, pas ou peu de doute, c’est la constitution de Nadège Stampfli ! En ce qui concerne le visage (coincé entre le képi et la mentonnière de la capote), j’ai le sentiment d’y voir le joli menton volontaire de Nadège… Pour le reste : un visage de composition ? Un quatrième modèle ? Mais assuré­ment pas de Fritz Kaempf !